Dans leur livre "Simplement 2 : 25 ans de commentaires", Philippe Chéreau et Christophe Agius se livrent sur le départ de ce dernier en 2012. Les deux commentateurs français de la WWE en révèlent plus sur les raisons de son départ et sur la manière dont Christophe Agius est revenu aux commentaires des shows de catch.
Ils racontent :
Nous sommes le 19 avril 2012 et nous devons nous rendre à Toulouse pour un show de la WWE. Nous l'avons appris quelques jours avant et tout s'organise à la dernière minute. Mais nous avons l'habitude de travailler "à l'arrache" !
On nous annonce que nous partirons à trois, avec un nouveau caméraman.
Christophe : "Lors de notre départ, j'apprends que Philippe aura sa chambre, mais que moi j'aurai une chambre avec le caméraman pour des questions de budget. Forcément, je ne prends pas bien la chose... je ne veux pas faire ma star, mais je ne comprends pas cette différence de traitement avec Philippe. On me dit que l'hôtel est complet, que Philippe a la priorité, etc. De plus, je traverse une période difficile : je ne vais pas bien, j'abuse trop de l'alcool en soirée, je me pose beaucoup de questions... bref c'est très compliqué."
Philippe : "À l'antenne, on met parfois beaucoup de notre vie privée. L'une de mes catchphrases du moment est : "Vous n'allez pas bien Christophe ?" Mais à cette époque, on voyait bien qu'il avait du mal à répondre en rigolant. Je me rends compte que Christophe est souvent dans l'excès, une différence notable comparée à moi. Je m'inquiète pour lui, en ressentant une certaine responsabilité. Quand nous étions en voyage, je passais beaucoup de temps à tenter de rattraper ses débordements. Il fallait que je fasse attention. Les gens autour de nous, s'apercevant du malaise, venaient me faire part de leur inquiétude. J'ai une empathie naturelle avec un côté un peu paternel pour Christophe, qui est plus jeune que moi. Mais je vois que cela l'agace de plus en plus. Quelque part, il voulait peut-être 'tuer le père'."
Christophe : "Le mot dépression n'était pas prononcé, mais clairement, c'est ce mal qui me rongeait. Quelque part, je souhaitais tout simplement mourir. J'étais en mode "auto-destruction" avec un comportement sans cesse excessif, car je pensais que j'allais quitter ce monde, physiquement. Pourtant, j'avais une vie très simple, mais mon cerveau me persuadait quotidiennement que ma vie était un désastre et que rien n'allait s'arranger. Je crois que, tout simplement, je n'avais pas la maturité nécessaire pour faire face.
Avance rapide, nous arrivons à Toulouse, dans un petit hôtel de banlieue et lorsque nous nous présentons à l'accueil, nous constatons qu'il y a d'autres chambres et libres. Franchement, je ne comprends pas ce que la production a fait et je ressens un grand manque de respect. Sur le coup, je me suis vraiment, vraiment, senti comme une "merde". Philippe, dans sa grande gentillesse, prend un troisième chambre, à ses frais. Mais finalement, cette chambre ne servira pas ! Après le show de Toulouse, je pars faire la tournée des bars avec notre cameraman, qui lui aussi, aimait bien les sorties nocturnes !"
Philippe : "Après le show de Toulouse, nous cherchons un restaurant pour diner avec les officiels de la WWE. Mais Christophe est dans un grand soir, lors du repas, et, passablement éméché, il dit ses quatre vérités à l'une des personnes présentes, qui nous avait un peu frustré et toisé tout au long de la journée... Forcément, cela ne plait pas... J'essaie de rattraper le coup comme je peux, mais j'étais assez énervé contre Christophe, d'autant plus que le lendemain, nous devions être à Bercy à Paris, où nous avions été informés que, pour la première fois, nous serions intégrés au show. À la suite du repas, Christophe s'éclipse avec le caméraman, pour découvrir les bars de Toulouse. De mon côté, je vais me coucher, mais je ne parviens pas à m'endormir. Je guette, toute la nuit, les bruits de porte, espérant que Christophe ne rentre pas trop tard. Finalement, Christophe et le cameraman rentrent à la lueur du jour ! Ils avaient écumé tous les bars et boites de nuit de Toulouse ! Forcément, je les accueille comme il se doit ! Je suis habillé avec ma valise dans le hall de l'hôtel, prêt à partir, le taxi est réservé pour 6h30, et il est 6h00."
Christophe : "J'avais ruminé toute la nuit, et les vapeurs d'alcool n'aidaient pas à une parfaite réflexion ! Cela faisait 12 ans que je bossais pour AB, mais mes piges n'avaient jamais été augmentées. Je considérais que l'on s'était moqué de moi, moi le petit provincial qui ne réclamait jamais rien. Heureusement, il y avait les cachets touchés pour les DVDs, ce qui me permettait de vivre. Mais AB me confiait de plus en plus de boulot, mais mes piges restaient toujours les mêmes et on me disait : "Si tu n'es pas content, tu te casses !" Et bien, en ruminant, j'ai décidé de me casser ! Alors j'ai tweeté : "Je viens de quitter mon job #PlaceAprendre... Ce fut un plaisir. #merciAtous"
Philippe : "Notre chef, Franck Legrand, a rapidement connaissance du tweet de Christophe et m'appelle. Il me lit le fameux message, je tombe des nus. Il me demande : "où il est ?" Je lui réponds "derrière moi !" À ce moment-là, nous sommes dans la file d'attente de l'embarquement à l'aéroport de Toulouse et il est en effet bien derrière moi. Depuis l'engueulade de l'hôtel le matin, on ne se parle plus, il fuit mon regard... Je me retourne et lui lance : "c'est quoi cette connerie ?" Il me regarde et me dit : "je me casse !" Je suis furieux. Pas le temps de se disputer, on doit embarquer et de toute façon, on ne va pas se donner en spectacle."
[...]
Christophe : "La seule chose positive dans ma vie c'était mon boulot, et, en rentrant chez moi, je prends conscience que je viens d'envoyer tout balader. Mais il faut que la pression diminue. Je suis complètement HS et j'ai besoin de dormir. Toutefois, curieusement, je me sentais soulagé d'un poids. Je vais faire une cure de sommeil durant une bonne semaine, loin de tout, y compris de mes démons.
Philippe essayait de m'appeler pour avoir de mes nouvelles. Finalement, nous arriverons à nous reparler une dizaine de jours plus tard. En attendant, je pensais, sérieusement, travailler ailleurs, mais aucune solution de rebond en vue. Et franchement, ça m'importait peu."
Philippe : "On finit par se reparler, il est nécessaire de crever l'abcès et d'évoquer les problèmes. Nous sommes, avant tout, des professionnels, et nous devons parler de la suite. Entre temps, Sylvain [Guernalec] est revenu dans la boucle et remplace Christophe aux commentaires. Je dois, cependant, savoir ce que compte faire Christophe, tant pour la location que je lui consentais, à Paris, que pour les DVD ? Christophe me dit qu'il souhaite continuer à les faire. J'entrevois là une ouverture. Cette période de flou a duré un bon moment, presque deux mois ! Un jour, Franck me pose la question de savoir ce que l'on fait ? Je n'ai pas de réponse à lui donner.
Au bout de trois semaines, un journal belge annonce le départ de Christophe. Franck Legrand n'avait rien dit de la situation à Richard Maroko, le Directeur Général des programmes des chaines de AB Productions. Mais ce dernier tombe sur l'article du journal et appelle aussitôt Franck, très gêné pour lui répondre..."
Christophe : "Je reçois, un jour, un appel téléphonique. Il s'agit de Richard Maroko ! Je suis un peu déstabilisé, car c'est la première fois qu'il m'appelle, moi le petit commentateur de province, en 12 ans ! D'emblée, il me dit : "que te faudrait-il pour que tu reviennes ?" Je ne m'attendais pas à une telle discussion et je suis pris au dépourvu. Je me ressaisis et je lui dis : "Je veux du respect et de la considération, mais comme ce sont des choses que vous ne connaissez pas, parlons argent !" Il me rétorque aussitôt "Ok, combien tu veux ?" Je suis, à nouveau déstabilisé, car je ne sais pas quoi lui répondre, et lui dis que je vais le rappeler. Je suis là, dans mon petit studio et je commence à faire des calculs selon les émissions que je faisais. Je rappelle Richard au bout d'une heure et je lui dis : "Voilà, je veux ça, ça et ça !" En une seconde, il me répond : "Ok !" En quelques instants, j'avais multiplié mon salaire par deux ou trois et obtenu ce que je voulais ! Je réalise, alors, combien je me suis fait avoir pendant toutes ces années... Puis, je me dis aussi que j'aurais sans doute pu demander beaucoup plus et l'obtenir. Mais cela m'a permis de me relancer et la machine s'est remise en route."
Philippe : "Une fois que nous savons que Christophe va revenir, je me sens soulagé. Nous devons dès lors réfléchir à la manière dont nous allons le faire revenir. Chez AB, nous imaginons, alors, un nouveau programme qui s'appellera : "À la recherche du nouvel Agius". Dans ce programme, je reçois des candidats lors de castings. Bien entendu, ce sont des faux castings, mais les fans pensent qu'ils étaient vrais ! Il y a plusieurs épisodes dans cette mini-série avec différents intervenants. La plupart étaient des personnes du groupe AB, qui venaient d'arriver et occupaient des postes administratifs dans les différentes chaines. Certains aujourd'hui exercent de hautes responsabilités. Il y avait quelques guests, des amis animateurs comme Alexandre Laipsker, Marion Jollés-Grosjean et même mon fils ainé... Dans l'avant dernier épisode, je reçois même... Cody Rhodes himself !! Lors de la dernière émission, on voit juste une main qui se tend vers moi, sans voir le visage de la personne et je dis : "Ah finalement c'est vous !"... Il s'agit bien entendu de Christophe, mais personne ne le sait encore..."
Le livre de Christophe Agius et Philippe Chéreau n'est malheureusement plus disponible à la vente.
Crédit photo : X - Twayh
Recommandé pour vous



